Les hôtels particuliers à Arras.

Circuit touristique alliant histoire et architecture d’Arras
– 4km soit au moins 1 heure de visite –

Les hôtels particuliers, ces majestueuses demeures urbaines emplies de richesse, prestige et pouvoir n’ont jamais cessé d’émerveiller et d’attirer la curiosité, et ce encore de nos jours. En effet, que peut-il bien se cacher derrière ces monumentales portes ?

Avant de prendre la route ensemble pour découvrir les exemples arrageois, voici une définition :
Un hôtel particulier est une demeure urbaine luxueuse occupée par une seule famille (au sens large : le couple, les enfants, les cousins, les protégés ainsi que le personnel de maison) de nobles, aristocrates ou riches bourgeois, souhaitant afficher leur rang, pouvoir et prestige. Richement ornementés, composés de somptueuses salles aux décors soignés, l’hôtel particulier était le lieu de réception par excellence pour « faire salon », accueillant familles, amis, dirigeants, académies et sociétés savantes.
On distingue ainsi deux types d’hôtel : le premier, sans doute le plus célèbre, apparu au XVIIe siècle, dit « à la parisienne », bâti entre cour et jardin et le second dit « hôtel bloc », pavillon avec façade sur rue (dès le XVIe).

Le classicisme, standardisé avec Versailles par Louis XIV et ses architectes Le Vau et Mansart, a durablement marqué l’architecture de ces édifices, ainsi ordonnancés et richement ornementés.

Le XVIIIe siècle, essentiellement entre 1735 et 1760, a vu fleurir des dizaines d’hôtels particuliers dans le centre-ville d’Arras. Ces familles se sont installées à proximité des centres de pouvoirs, les Etats d’Artois et le Conseil d’Artois ; de l’activité commerciale, les places des marchés ; et des sociétés littéraires. Les rues Emile Legrelle et Pasteur (ex. rues des Trois-Faucilles et Fausse-Porte Saint-Nicolas) sont souvent considérées comme le « petit Faubourg Saint-Germain arrageois » et à juste titre, huit hôtels sur 300 mètres. On en comptait le double à l’époque… D’autres ont cherché à s’écarter de leurs pairs pour s’installer dans les nouveaux quartiers à la mode : la Basse-Ville, un semblant de « Marais » avec ses huit hôtels et de superbes demeures encadrant la seule place octogonale de France : la Place Victor Hugo. De nos jours, il ne subsiste plus qu’une quarantaine d’hôtels particuliers.

"C'est parti ?!" (©MD - danslesruesdarras)

Ci-dessous, vous pourrez suivre le circuit avec des informations historiques et architecturales relatives aux hôtels. Vous pouvez aussi suivre la visite sur votre smartphone avec ma carte de localisation des hôtels particuliers arrageois, pour cela, rendez-vous à la fin de l’article.

Depuis le Beffroi et la Place des Héros, dirigez-vous dans la rue des Balances (son nom nous indique que c’est ici que l’on pesait le grain). Face à vous, dans la rue Emile Legrelle (ex. rue des Trois-Faucilles), se trouvent trois hôtels particuliers : l’Hôtel de Gouve (ou la Verdure), l’Hôtel de Haynin et l’Hôtel de la Basecque.

Si vous le souhaitez, vous pouvez aussi vous diriger vers les rues piétonnes (Wacquez-Glasson et Ronville) en direction de trois autres hôtels particuliers situés rue Pasteur : l’Hôtel d’Aix-Lejosne Contay (numéros 4-6, vers 1780), l’Hôtel de Louvignies (numéros 9-11, vers 1780) et l’Hôtel Palisot-Dion (numéros 13-15, actuel Couvent des Augustines, datant de 1749). A proximité, quatre autres hôtels ont disparu : l’Hôtel d’Incourt (n°16), l’Hôtel de Béthune-Saint-Venant (10 rue du Saumon), l’Hôtel de Bucquoy (en lieu et place de Boyaval) et l’Hôtel d’Epinoy (Monoprix).

Hôtel de Gouve - 18 rue Emile Legrelle - Arras (©MD - danslesruesdarras)
L’Hôtel de Gouve (1757), aujourd’hui une propriété privée.

L’Hôtel de Gouve, ou la Verdure, a été construit en 1757 par Charles-Antoine de Gouve, procureur-syndic et subdélégué à l’Intendant (sorte de sous-préfet) puis occupé par les soeurs de la Verdure. Vous le voyez, on retrouve ici les caractéristiques de l’hôtel particulier du XVIIIe siècle : l’édifice est ordonnancé avec 5 travées sur 4 niveaux (caves + rez-de-chaussée surélevé + un premier étage + des combles à la Mansart) agrémentées de gardes-corps en fer forgé et de coquilles sur les clefs des linteaux de fenêtres. Ces décors sont typiques des styles Régence (1700-1730) et Rocaille (1730-1745) sous les règnes des Louis XIV-XV-XVI. C’est ici un modèle à moitié « Bloc » et « à la parisienne » puisqu’une façade donne directement sur la rue et la cour/jardin est accessible depuis un porche qui se trouve dans la rue des Portes Cochères. Nous y passerons.
Pour les plus curieux, l’intérieur présenterait encore de beaux éléments d’époque : trois petits salons aux styles des trois rois précédemment nommés avec cheminées en marbre « à la coquille », miroirs et boiseries ainsi qu’un beau décor à l’or représentant l’Agriculture (épis de blé, bêche, houe, faucille, fléau, etc.) et peintures des 4 saisons dans un style Watteau.

L’Hôtel de Haynin (1743), aujourd’hui une propriété privée.

Mitoyen à gauche, l’Hôtel de Haynin (reconstruit vers 1743) est l’ancienne propriété de la famille de Haynin (originaire du Hainaut en Belgique). Le chevalier Louis-François, baron de Haynin, seigneur de Ransart, Amfroipret, Lesquin et la Motte, Premier lieutenant des Gardes Wallonnes, fut député de la noblesse aux Etats d’Artois et mayeur (maire) d’Arras. Il fut ensuite la propriété du puissant seigneur Ignace Godefroy, comte de Lannoy et du Saint-Empire puis de la famille Lesergeant d’Hendecourt. L’Hôtel possédait de spacieux jardins clôturés par de hauts murs donnant sur les rues Emile Legrelle, Briquet Tailliandier et des Portes Cochères qui ont disparu et ont laissé place à une dizaine de maisons. L’hôtel est très peu visible, mais les deux somptueuses portes sculptées, les divers ornements de style Renaissance en façade ainsi que sa composition en U autour d’une ancienne cour, visible sur la photo, permettent encore de le distinguer.

Hôtel de la Basecque - 12 rue Emile Legrelle - Arras (©MD - danslesruesdarras)
L’Hôtel de la Basecque (1756), aujourd’hui une propriété privée.

A droite de l’Hôtel de Gouve se trouve l’Hôtel de la Basecque, reconstruit en 1756 (puis en 1922) par Albert-Marie-Joseph Imbert, comte de la Basecque, devenu parlementaire durant la Restauration. On distingue d’ailleurs le rang de sa famille sur le cartouche surmonté d’une couronne comtale sous le fronton triangulaire de l’entrée du logis principal de l’hôtel. La porte cochère monumentale a laissé place à une porte en serrurerie qui nous permet ainsi de jeter un oeil à la cour pavée, bien qu’elle soit « anachronique » puisque les nobles, par ces hauts murs et portes, cherchaient l’intimité. Cet hôtel particulier a été édifié sur le modèle de ses cousins parisiens, entre cour et jardin. En effet, il dispose d’un second accès, donnant sur le jardin via la rue des Portes Cochères.

Il a par ailleurs été loué à Monseigneur de la Tour d’Auvergne, évêque d’Arras et, plus tôt, occupé par la duchesse de Châteauroux. Mais qui était cette duchesse ? Marie-Anne de Mailly-Nesle, marquise de la Tournelle puis duchesse de Châteauroux était la cinquième fille de Louis de Mailly-Nesle. Elle fut la quatrième des « Soeurs de Nesle » à être maîtresse de Louis XV, le « Bien-Aimé » (surnom qui lui sied à merveille héhé). L’histoire ne s’arrête pas là. En effet, en juillet 1744, Louis XV est en visite à Arras avec sa cour, logée chez l’habitant dans les divers hôtels particuliers, couvents et autres demeures tandis que le roi loge à l’Hôtel du Gouverneur, de l’autre côté de la rue de la Marche, qui fut nommée, après son passage, « du scandale ». L’Histoire nous apprend que notre roi avait fait murer les deux extrémités de cette ruelle afin que, pour plus de discrétion, il puisse rejoindre sa maîtresse qui logeait de l’autre côté.

En vous rendant dans cette rue, vous apercevrez encore des portes murées. Vous pouvez en profiter pour apprécier une partie de la façade arrière, qui a conservé une certaine authenticité, de l’Hôtel du Gouverneur d’Arras.

Hôtel du Gouverneur - 10 rue Emile Legrelle - Arras (©MD - danslesruesdarras)
L’Hôtel du Gouverneur (1742), aujourd’hui l’école de la Présentation.

De retour dans la rue Emile Legrelle, l’Hôtel du Gouverneur d’Arras s’offre à vous. Construit entre 1738 et 1742 par l’architecte Adrien-François d’Huez, sur ordre du gouverneur Louis de Gand-Vilain en 1725, c’était le lieu de résidence du représentant du roi en ville. Parmi eux, nommé par le roi en 1693, Pierre de Montesquiou, comte d’Artagnan (à ne pas confondre avec son cousin-germain, Charles de Baatz de Castelmore, le « véritable » comte d’Artagnan qui a inspiré Alexandre Dumas pour ses « Trois Mousquetaires »), ou encore le Maréchal de Lévis vers 1780. Les chapiteaux ornant les pilastres d’ordre colossal, visibles sur la photo étaient autrefois surmontés d’un fronton triangulaire, les baies cintrées centrales ainsi que deux emmarchements disparus désignaient la magnificence et l’importance du Gouverneur. De part et d’autres de la cour se trouvaient d’autres pavillons clôturés par une belle porte d’honneur accessible depuis la rue des Portes Cochères. La façade côté rue Emile Legrelle a été remaniée en 1793 par l’architecte Louis Posteau pour créer quatre habitations. Il fut ensuite occupé par l’Institution Jeanne d’Arc, d’où la présence de ses armes au-dessus de la porte et est aujourd’hui occupé par l’école de la Présentation.

Derrière vous se trouvaient autrefois deux hôtels ; l’Hôtel d’Armolis (numéros 5-7, datant de 1779) et l’Hôtel d’Egmont, ancien Hôtel de Lens (remplacé par le Casino).

Descendez la rue jusqu’à la Place des Etats d’Artois, face à vous se trouve l’Hôtel des Etats d’Artois (1701 et 1723).

L’Hôtel des Etats d’Artois (1701 et 1723), actuel Palais de Justice (TGI), était le lieu de rassemblement des députés des trois ordres de la province de l’Artois, chargés de voter l’impôt, de ratifier des traités et prendre des décisions en matière de travaux publics, d’agriculture, industrie, etc. L’édifice, rue Emile Legrelle, de style classique conçu en 1723 par Jacques Héroguel, comporte un fronton sculpté de 1855, signé des frères Duthoit, représentant la Loi et la Justice supportant le sceau de l’Etat. On distingue également l’aigle Impérial, un lion, la couronne et le manteau impérial ainsi que le collier de la Légion d’Honneur. Sobre et élégant, il complète ainsi le palais avec un second édifice, daté de 1701, de style antique aux pilastres d’ordre colossal, chapiteaux corinthiens et fronton triangulaire, visible sur la rue Désiré Delansorne.

Vous quittez alors le « petit faubourg Saint-Germain arrageois ».

Prenez alors à gauche, dans la rue Désiré Delansorne (ex. rue Saint-Géry, de l’Eglise qui se trouvait à vos pieds), vous passerez à côté du Palais des Etats d’Artois de style antique et rejoignez la petite place Adolphe Lenglet, où se trouve l’Hôtel de Miauwe ou de Cardevacque.

L'Hôtel de Miauwe ou de Cardevacque - Place Adolphe Lenglet - Arras (©MD - danslesruesdarras)
L’Hôtel de Miauwe ou de Cardevacque (1583), aujourd’hui une annexe du Tribunal.

L’Hôtel de Miauwe ou de Cardevacque a été reconstruit en 1583 par l’avocat Charles de Cardevacque, qui le possédait déjà depuis une quinzaine d’années. Plus ancien hôtel particulier de la ville encore debout, c’est aujourd’hui une annexe du tribunal. L’Hôtel de la Mouette, du flamand « Miauwe – Meeuwe« , était originellement composé de deux pignons à redents dit « en escalier » de tradition gothique avec alternance de briques et pierres, de même que l’hôtel des Trois Luppars sur la Grand’Place. Les formes antiques, réappropriées par les architectes italiens des XVe et XVIe siècles, notamment Sebastiano Serlio, se diffusent partout en Europe, mettant progressivement fin à la période médiévale : c’est la Renaissance. Les éléments décoratifs de cet édifice sont typiquement de cette période, preuve en est, la date de 1583, inscrite sous le balcon, originellement disposée sur le linteau de l’entrée de la cave. On distingue ainsi pilastres cannelés ornés de chapiteaux d’ordre ionique et corinthien, pointes de diamants, rosettes, palmettes et spirales faisant référence aux lyres. En 1837, les pignons sont retirés et en 1870, à la demande de son nouveau propriétaire M. Boutry, les lucarnes frontons à enroulement et le balcon sont ajoutés.

Empruntez maintenant la rue des Portes Cochères, sur votre droite se trouve l’Hôtel de Lur-Saluces (1735).

L’Hôtel de Lur-Saluces (1738), aujourd’hui une propriété privée.

L’Hôtel de Lur-Saluces a été édifié entre 1735 et 1738 par les époux Saluces-Bernemicourt, marquis de Saluces, vicomte de la Thieuloye et châtelain de Lens. Le cartouche devait comporter les armes de la cette famille mais elles ont été remplacées par un H et un L, initiales de M. et Mme. René Hannebicque-Lenglet, propriétaires au XIXe siècle de l’hôtel et d’une brasserie à proximité. Malheureusement peu visible, cet hôtel est tout simplement majestueux avec les nombreux visages sur les clefs des linteaux, ainsi que les motifs à la coquille et le superbe fronton qui comporte une ruche sculptée. Pourquoi ? La ruche pourrait symboliser le travail, la société, l’activité économique mais aussi la maison, le refuge.

Saviez-vous que cet édifice a été déplacé, pierre par pierre, de la rue Gambetta à son emplacement actuel entre 1969 et 1972 pour construire les deux résidences Saint-Géry et Saint-Germain ? Le déplacement et la vente d’une grande partie de la parcelle sont certainement les raisons de la disparition de l’accès avec porte cochère.

Engouffrez-vous dans la rue des Portes Cochères pour découvrir les façades arrières et portes cochères des hôtels du Gouverneur, de la Basecque et de Gouve. Prenez ensuite la petite rue Saint-Jean (où se trouvait l’église du même nom) et tournez à droite dans la rue Gambetta (ex. rue Saint-Jean-en-Ronville) pour rejoindre l’Hôtel du Lieutenant du roi ou du Commandant (1765).

Hôtel du Lieutenant du roi - 31 rue Gambetta - Arras (©MD - danslesruesdarras)
L’Hôtel du Lieutenant du Roi (1765), aujourd’hui la Banque Populaire.

L’Hôtel du Lieutenant du roi a été construit en 1765 par l’architecte Louis Beffara pour loger le Commandant, adjoint du gouverneur qui, lui, était en permanence en ville. La cour est accessible depuis une porte cochère sur la rue Sainte-Marguerite, c’est aujourd’hui le parking de la Banque Populaire. Très similaire à l’Hôtel de Gouve, l’entrée, à gauche, comportait un emmarchement.

Prenez la direction de la Place du Théâtre, en chemin, sur votre gauche se trouve la Banque de France, construite en 1924 sur l’emplacement de l’ancien Hôtel Boucquel. Au niveau de la Salle de Concerts (sur votre droite) et d’une splendide demeure Éclectique (à gauche), occupée par le commerce Pandora, tournez à gauche dans la rue de la Croix-Rouge où se trouvent trois hôtels, l’Hôtel Proyart (1840), l’hôtel de l’Univers (1800) et l’Hôtel Gomer (vers 1850).

Saviez-vous qu’à l’emplacement de ces trois édifices se dressaient la Chapelle et le Collège des Jésuites qu’a côtoyé Robespierre ?

L’Hôtel Proyart (1840), aujourd’hui une propriété privée.

L’Hôtel Proyart, construit sur l’emplacement exact de la Chapelle des Jésuites, a été édifié vers 1840 par Auguste Bourgois pour la famille Proyart. L’avant-corps ternaire du logis est composé de pilastres marbrés au rez-de-chaussée et cannelés au motif de rosettes aux étages. Le grand portail en fer forgé clôture la cour pavée et les communs. L’hôtel ordonnancé est, quant à lui, positionné entre cour et jardin ; modèle à la parisienne.

Hôtel de l'Univers - 3-5 Place de la Croix-Rouge - Arras (©MD - danslesruesdarras)
L’hôtel de l’Univers (1800), aujourd’hui un hébergement hôtelier.

L’hôtel de l’Univers, construit en 1800 après la destruction du Collège des Jésuites à la Révolution est un établissement d’hôtellerie. Il ne faut donc pas le confondre avec un hôtel particulier, occupé par une seule famille au sens large. Alors que fait-il ici, puisque ce n’est pas un hôtel particulier ? Je ne pouvais tout simplement pas ne pas vous en parler puisqu’il participe pleinement à la qualité architecturale du quartier ! Et de nuit, l’ambiance est splendide ! N’hésitez pas à entrer pour y manger un morceau, boire un verre ou pour loger dans un édifice de charme en hypercentre, parfait pour découvrir la ville.

Hôtel Gomer - 1bis rue du Collège - Arras (©MD - danslesruesdarras)
L’Hôtel Gomer (vers 1850), aujourd’hui une propriété privée.

Mitoyen du précédent, l’Hôtel Gomer est impressionnant. Construit vers 1850 par le comte Charles-Eugène de Gomer, il a longtemps été occupé par la Chambre départementale des notaires. Composé d’un belle cour pavée et de deux pavillons de services, l’hôtel se compose de sept travées sur trois niveaux avec un avant-corps à emmarchement. Remarquez ses beaux balcons, ses jolies consoles et clefs moulurées, son fronton semi-circulaire et ses jolies lanternes ! Actuellement en rénovation, il sera très prochainement transformé en appartements de standing.

Quittez maintenant la rue du Collège et empruntez la rue des Capucins, face de vous se trouve l’Hôtel de Hauteclocque (XVIIIe siècle).

Hôtel de Hauteclocque - 2 rue des Capucins - Arras (©MD - danslesruesdarras)
L’Hôtel de Hauteclocque (XVIIIe), aujourd’hui un service de l’Etat.

L’Hôtel de Hauteclocque, construit au XVIIIe siècle et reconstruit en partie en 1922 est un immeuble en pierre de taille avec des pilastres à refends et gerbes de blés, typiques de la période et symbolisant la richesse principale de la ville. L’angle, contrairement à la partie visible sur la photographie, n’a pas subi de dégâts de la Première Guerre mondiale et nous offre donc un somptueux pignon-fronton sculpté, consoles, guirlandes fleuries et garde-corps de style Rocaille. Il a été occupé au XVIIIe par la famille de Hauteclocque, chevaliers, seigneurs de Wail et de Quatreveaux, député de la noblesse aux Etats d’Artois et ancêtres du très célèbre Maréchal Leclerc (de Hauteclocque).

Descendez cette bien jolie rue des Capucins où se trouvent de belles demeures datant essentiellement de la deuxième moitié du XIXe siècle pour le trottoir de gauche et essentiellement du XVIIIe siècle pour le trottoir de droite. Arrivés au feu tricolore, face à vous se trouvait la Porte d’Hagerue sur laquelle se trouve aujourd’hui l’Hôtel de Couturaud (vers 1900).

Hôtel de Couturaud - 1 rue de l'Abbé Halluin - Arras (©MD - danslesruesdarras)
L’Hôtel de Couturaud (vers 1900), aujourd’hui l’EPDAHAA.

Les années 1890 ont marqué pour toujours la physionomie de la ville d’Arras. En effet, le démantèlement des remparts est apparu comme la solution pour retrouver une activité florissante, accueillir les industries et surtout donner un élan de modernité à une ville « coincée » dans ses murailles et derrière ses portes médiévales. Il ne reste aujourd’hui presque aucun témoin de cette enceinte et l’architecte de la ville d’Arras, Eugène Couturaud, fut au premier plan de ces décisions. Il a notamment fait disparaître la Porte d’Hagerue, datée du XIIe siècle et « en contrepartie », il nous a offert cette splendide demeure, construite vers 1900, avec cour et portail sur le boulevard Vauban, que j’ai nommée l’Hôtel de Couturaud.

Tournez maintenant à droite, dans la rue Aristide Briand, vous apercevez un gigantesque édifice, il s’agit de l’Hôtel de Beauffort (1754), aujourd’hui le Collège Jehan Bodel.

Hôtel de Beauffort - 3bis rue Aristide Briand - Arras (©MD - danslesruesdarras)
L’Hôtel de Beauffort (1754), aujourd’hui le Collège Jehan Bodel.

L’Hôtel de Beauffort, premier hôtel particulier du tout nouveau quartier à la mode, la Basse-Ville, a été construit en 1754 par l’architecte Adrien-François d’Huez pour Charles-Louis-Alexandre, marquis de Beauffort et de Mondicourt, mayeur d’Arras entre 1764 et 1765. Successivement devenu palais abbatial en 1774, propriété nationale à la Révolution, prison pendant la dictature de Lebon vers 1794, palais épiscopal en 1805, propriété de la ville d’Arras en 1820 pour former un collège puis lycée de garçons, c’est aujourd’hui le Collège Jehan Bodel. Du côté de l’architecture, cet hôtel à la façade noircie et à l’avant-corps à refends, est riche en ornements de style Rocaille. Le balcon en fer forgé est soutenu par quatre consoles sculptées de mascarons représentant les quatre éléments (et les quatre saisons sur la façade arrière) ainsi que des visages à chaque clef de fenêtres. Le fronton triangulaire devait vraisemblablement faire apparaître, à l’origine, de belles sculptures telles qu’à l’Hôtel Dubois de Fosseux mais il a été retravaillé en 1856, par le sculpteur Robert, pour symboliser l’enseignement d’où la présence des allégories des Sciences et des Lettres.

Revenez sur vos pas à l’intersection précédente et engagez-vous dans la rue de Beauffort. Sur votre gauche se trouvent les hôtels de Béthune et Enlart de Grandval.

L’Hôtel de Béthune (vers 1780), aujourd’hui une propriété privée.

Construit vers 1780, il semblerait que cet édifice fut l’Hôtel de Béthune, propriété de Claude-François-Guislain, vicomte de Béthune-Hesdigneul, chevalier de l’Ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, gentilhomme d’honneur de Monsieur le frère du roi et époux de Marie-Joseph Enlart de Grandval, fille du propriétaire de l’hôtel voisin.

L’Hôtel Enlart de Grandval (vers 1780), aujourd’hui une propriété privée.

L’Hôtel Enlart de Grandval, a été construit dans les années 1780 par Grégoire-Joseph-Marie Enlart de Grandval, Procureur-général du Conseil provincial d’Artois, échevin et membre de l’Académie d’Arras. La façade arrière (ci-dessus) se compose de deux avants-corps de forme polygonale en pierre de taille avec pilastres à refends tandis que la façade avant n’en présente qu’un seul. Considérant la similitude des avants-corps avec l’Hôtel de la Préfecture, les plans ont pu être dressés par l’architecte Pierre-Louis Beffara ou Louis Posteau, qui étaient également en charge de l’urbanisation de la Basse-Ville.

Si vous le souhaitez, vous pouvez aussi vous diriger vers la Place de Marseille (pour contempler l’Hôtel D’Hainaut, ancien Conservatoire (fin XIXe).

Tournez à droite pour rejoindre la Place de la Basse-Ville et son obélisque dressés par Beffara et Posteau entre 1751 et 1779, actuelle Place Victor Hugo. Vous apercevez ainsi, sur votre droite, une partie de l’Hôtel de Beauffort avec ce fronton triangulaire composé d’autres allégories du savoir. Et sur votre gauche, dans la rue des Promenades, vous apprécierez deux hôtels : l’Hôtel Boussemart de Thiennes (1785) et l’Hôtel de l’Abbaye d’Arrouaise (1772), aujourd’hui tous deux occupés par la CAF.

L’Hôtel Boussemart de Thiennes (vers 1785), aujourd’hui occupé par la CAF.

Construit vers 1785, l’Hôtel Boussemart de Thiennes m’a donné du fil à retordre pour trouver des informations le concernant. Cet hôtel en pierre blanche est relativement sobre, excepté la partie centrale avec son porche, garde-corps et belle balustrade ornée de deux pots à fleurs, ainsi que de jolies lucarnes ouvragées. Son long jardin se terminait rue de Beauffort, où se trouvait le premier et semble-t-il unique pavillon chinois de la ville. Son propriétaire, Henri-Vaast-Joseph Boussemart de Thiennes, était receveur des Domaines et surintendant du Mont-de-Piété d’Arras. Dénoncé, signalé comme monarchiste, proche des nobles émigrés, emprisonné à l’Hôtel de Beauffort, devenu prison révolutionnaire, il fut une des nombreuses victimes  arrageoises de la Révolution. Il sera guillotiné le 17 avril 1794, après avoir été condamné par Joseph Le Bon (qui n’a de bon que son nom puisqu’il aurait envoyé à l’échafaud des centaines de personnes) : « Jusqu’ici, dit-il à la Société populaire, vous n’avez eu que des aristocrates petits et maigres, mais demain je vous en donne un gros et gras, une belle tête à guillotiner. » 

Hôtel du refuge de l'abbaye d'Arrouaise - 5 rue des Promenades - Arras (©MD - danslesruesdarras)
L’Hôtel du refuge de l’Abbaye d’Arrouaise (vers 1772), aujourd’hui la CAF.

De tous les bâtiments originels, aujourd’hui remplacés par les bâtiment et parking de la CAF, il ne reste aujourd’hui plus que deux travées de la façade de l’Hôtel de l’Abbaye d’Arrouaise, ancien refuge datant de 1772. Mais quel spectacle grandiose ! La porte cochère, cloutée et richement moulurée, arbore deux têtes de lions sculptées dans le bois. Elle est surmontée d’un beau balcon en fer forgé soutenu par deux consoles fleuries accompagnées de rinceaux et cartouche. Ce refuge d’une abbaye très célèbre installée près de Bapaume fut pendant la Révolution occupée par l’avocat M. Demory, où de nombreuses « orgies » se seraient tenues avec Le Bon et ses complices. Il fut ensuite occupé par la fabrique de sucre de M. Ledru rachetée et occupée par M. Crespel-Delisse entre 1814 et 1865 puis ce fut une caserne de pompiers jusqu’en 1973 et enfin les locaux de la CAF depuis 1989.

Retrouvez la Place Victor Hugo et engagez-vous vers les casernes Schramm. A mi-chemin sur la gauche vous serez face au splendide portail de l’Hôtel du Gouverneur de l’Artois (1758).

L’Hôtel du Gouverneur de l’Artois, ancien refuge d’Hénin-Liétard (1758), actuelle Gendarmerie.

Voici ce qui se cache derrière ce grand portail bleu : deux petits bâtiments (anciennes écuries, remises, greniers et logements des postillon et portier) de part et d’autre d’une jolie cour pavée et l’hôtel au centre, avec un avant-corps ternaire aux fenêtres cintrées et au fronton triangulaire. Les seuls décors, clefs rocaille et garde-corps en fer forgé, sont très sobres, en lien avec la piété de l’abbé d’Hénin-Liétard, Laurent d’Apvril, qui fit bâtir son refuge en 1758, devenu vers 1765, l’Hôtel du Gouverneur de l’Artois, demeure du Maréchal de Lévis puis du duc de Guînes. Le rez-de-chaussée comportait un vestibule avec une très belle cage d’escalier (encore de nos jours), deux salons et quatre salles-à-manger ; le premier étage était composé de cinq appartements et une chapelle ; et sous les combles, les communs (lingerie, cuisine, rôtisserie, boucherie, pâtisserie, etc.) et chambres des domestiques. Propriétaire à partir de 1846, M. Crespel-Delisse, en pleine expansion, installa dans les bâtiments à l’arrière sa raffinerie puis une deuxième fabrique de sucre. En 1886, la Gendarmerie s’y installa jusqu’en 2019.

Empruntez la rue des Fours en direction de l’Eglise Notre-Dame-des-Ardents. Partout autour de vous se trouvent de somptueuses demeures, édifiées par les nobles et aristocrates du XVIIIe siècle avec, à l’extrémité sur la gauche, l’Hôtel Lefebvre-Cayet (1754).

L’Hôtel Lefebvre-Cayet (1754), aujourd’hui une maison d’hôtes.

L’Hôtel Lefebvre-Cayet fut construit par l’avocat au Conseil provincial d’Artois, Pierre-Guislain Cayet en 1754. Mort en 1773, sa fille Victoire Cayet porta l’hôtel en 1780 à son époux l’avocat, échevin et homme politique au département et à Paris, Auguste Lefebvre du Prëy. Les longs murs qui clôturent la propriété correspondaient autrefois aux communs et ne sont plus aujourd’hui que des « murs-renard » (esthétique des murs aux fenêtres maçonnées). L’imposant portail vert au fronton semi-circulaire richement ornementé nous permet d’accéder à une cour à moitié pavée et enherbée où est installé l’hôtel, « entre cour et jardin », nom donné à la maison d’hôtes qui l’occupe aujourd’hui.

Il vous faut maintenant emprunter la rue du Péage afin d’obtenir la même vue que la photographie ci-dessous, où se dresse ce somptueux édifice, que j’ai nommé l’Hôtel Brunet.

Hôtel Brunet - 8 rue du Péage - Arras (©MD - danslesruesdarras)
L’Hôtel Brunet (vers 1860-1870), aujourd’hui une maison d’hôtes.

L’Hôtel Brunet, construit par Auguste Bourgois, architecte de la ville, vers 1860-1870, est un somptueux hôtel particulier de style néo-renaissance, aux allures de demeure florentine. Elégamment ordonnancé avec six travées sur trois niveaux, il comporte de splendides décors : encadrements d’époque Empire (grecques), consoles, balustrade, frontons semi-circulaires, etc. De plus, sous chaque fronton se dresse un buste surmonté d’enfants ou anges symbolisant les Arts : l’architecture (compas, chapiteau ionique, maillet, parchemin), la musique (lyre, trompette, tambourin, flûte de pan) et la peinture (pinceaux). Cet hôtel fut occupé par la famille Brunet, propriétaire de la Librairie Brunet, installée à Arras depuis 1860, puis ce fut une école d’infirmière de la Croix-Rouge et c’est aujourd’hui une maison d’hôtes.

Retournez sur vos pas, sur le parvis de l’église Notre-Dame des Ardents, de style néo-roman, tournez à droite dans la rue Aristide Briand. Au niveau du feu tricolore, appréciez la somptueuse vue sur les casernes Schramm, vous vous trouvez précisément sur les remparts entre Ville et Cité, au niveau de la Porte Claquedent dit Barbakane.

Prenez à droite dans la rue du Général Barbot, où se trouvent encore de somptueuses demeures classiques, néo-classiques et néo-renaissance. A l’intersection avec la rue Saint-Aubert, tournez à gauche, longez la Place du Wetz d’Amain et sa sublime maison à tourelle, ancien refuge de l’abbaye du Mont-Saint-Eloi, sur votre gauche se trouve l’Hôtel Deusy.

L’Hôtel Deusy, a été édifié en 1865 par Alexandre Grigny, pour Ernest Deusy, avocat, maire d’Arras entre 1876 et 1881 et député du Pas-de-Calais. L’on pourrait aisément penser que cet hôtel fut construit aux XIIIe ou XIVe siècles mais ce serait sans connaître le talent et les autres oeuvres néo-gothiques de Grigny : la chapelle et le couvent des Bénédictines du Saint-Sacrement, la chapelle des Dames Ursulines, le petit séminaire d’Arras, ou l’hôtel Deusy, malheureusement presque toutes disparues. Le XIXe siècle à Arras est fortement empreint de « renaissance » de styles architecturaux disparus : néo-classique, néo-renaissance, néo-gothique et même néo-roman.

L’hôtel est composé d’un corps de logis principal avec une façade richement ornementée sur la rue ; balcons, guirlandes, crochetsdaisfleuronspinacles, etc. ; ainsi qu’une aile perpendiculaire correspondant à l’ancienne galerie des peintures de Deusy, clôturant avec des écuries, une jolie cour pavée ainsi qu’un jardin à la française. L’intérieur est tout à fait splendide, composé de culots figurés et de chapiteaux ornés de branches de houx sur lesquels retombent les arcades ogivales, un magnifique escalier ainsi qu’un reste de plafond peint aux initiales du propriétaire, vestige d’un incendie.

Si vous souhaitez faire un petit détour de 800 mètres (aller-retour), vous pouvez continuer vers la Place du Pont-de-Cité, « frontière » de la Ville et de la Cité d’Arras et vous rendre à l’Hôtel de la Préfecture. Sinon, retournez à l’intersection précédente, empruntez la rue des Agaches et passez au paragraphe de l’hôtel suivant.

Installé à l’emplacement du précédent palais épiscopal, l’Hôtel de la Préfecture, conçu en 1758 par Beffara et construit entre 1759 et 1780, devait originellement accueillir l’évêque. Mais très rapidement chassé par les révolutionnaires pour en faire un magasin de stockage de vin, ce dernier céda sa place en 1800 au premier préfet du Pas-de-Calais, Charles Poitevin-Maissemy ; soixante-treize autres préfets lui succèderont jusqu’à nos jours. Rare bâtiment à être en bon état à la Révolution, il fut reconstruit presque en totalité en 1836 par Firmin Epellet. Au total, il connaîtra six incendies tout au long des XIXe et XXe siècles, avant que la Première Guerre mondiale ne vienne à son tour perturber la quiétude du lieu.

Depuis la Place, on accède à l’Hôtel de la Préfecture par un portail à trois porches, nous menant à une vaste cour d’honneur pavée et un parterre fleuri. La magnifique façade sur cour est marquée par un avant-corps surmonté d’un fronton triangulaire originellement richement ornementé des armes de l’évêque, anges et crosses ainsi que des cariatides et décors sur les trumeaux. L’aile gauche accueille le services des archives tandis que l’aile droite, initialement composée d’arches comme au Grand Trianon, a été aménagée en 1856 pour abriter les bureaux et salles du conseil général. Avec son air d’Hôtel Matignon depuis son vaste jardin, la façade de l’Hôtel de la Préfecture, longue de 60 mètres, est rythmée par des baies groupées par trois, en plein-cintre au rez-de-chaussée et surbaissées à l’étage, avec trois avant-corps dont un polygonal rehaussé d’un petit fronton triangulaire. Le chiffre 3 n’est pas sans rappeler son usage initial avec la Sainte-Trinité.

La photo illustrant la façade donnant sur le jardin a remporté le concours « La Préfecture à la façon de Robert Doisneau » organisé lors des Journées du Patrimoine 2019. A ma plus grande surprise, elle a été envoyée aux quatre coins de la France par M. le Préfet pour ses voeux 2020.

De retour dans la jolie rue des Agaches, vous y trouverez différents styles architecturaux juxtaposés les uns aux autres : Classique, Baroque-Flamand, Modernisme, Art déco et même une splendide bâtisse Renaissance, datant des années 1620. Tournez à droite dans la rue Paul Doumer, vous longez les murs du jardin de la Légion d’Honneur de l’Abbaye.

Vous arrivez ainsi sur la Place de la Madeleine encadrée par trois hôtels, l’Hôtel Danten (1804), l’Hôtel de Guillebon (vers 1852) et l’Abbaye, fondée en 667, reconstruite en 1770 et 1934 sur le modèle des hôtels particuliers.

Hôtel Danten - 33 rue Paul Doumer - Arras (©MD - danslesruesdarras)
L’Hôtel Danten (1804), aujourd’hui une propriété privée.

L’Hôtel Danten est une majestueuse bâtisse en pierre blanche édifiée en 1804 par le sieur Danten, manufacturier textile, républicain et maire d’Arras (1794-1795), sur l’emplacement de l’ancien Conseil provincial d’Artois. Sa façade principale, sur la Place de la Madeleine, est relativement sobre mais richement moulurée (consoles, modillons, losanges) ornée d’une très jolie lucarne-fronton aux initiales « GL » et a gardé tous ses volets battants, lui apportant un charme tout particulier. La façade donnant sur la rue Paul Doumer est surprenante de par la grande porte cochère mauve richement décorée.

L’Hôtel de Guillebon (vers 1852), aujourd’hui un office notarial.

L’Hôtel de Guillebon a été bâti par Albert de Guillebon vers 1852 à l’emplacement de l’ancienne église de la Madeleine, dans un style tout à fait étonnant. En effet, la composition est typique des hôtels classiques et tous les décors sont en pierre : pilastres, chapiteaux corinthiens, fronton à enroulement, consoles, balcon et encadrements ; tandis que le fond de façade est entièrement en brique. On assiste ici aux prémisses de l’Eclectisme, style architectural très en vogue à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, s’inspirant des précédents en adoptant les changements de la société industrielle. 

Le fronton, orné d’une couronne comtale et de deux écus accolés représentant les armoiries des propriétaires : la famille de Guillebon et d’Aix de Remy, illustre parfaitement les liens étroits entre les familles nobles des environs et leur attachement à Arras. En effet, Albert de Guillebon est le fils de Claude-Antoine, chevalier et seigneur de Beauvoir, Bacouel, Troussencourt et d’Evaussaux, et de Marie-Ursule de Gomer, famille propriétaire de l’Hôtel de Gomer que vous avez visité plus tôt. Son épouse, Mathilde d’Aix de Remy est la fille du baron d’Aix de Remy, famille propriétaire des Hôtels de Louvignies et d’Aix-Lejosne-Contay à Arras.

Abbaye Saint-Vaast - 22 rue Paul Doumer - Arras - (©MD - danslesruesdarras)
L’Abbaye Saint-Vaast (1770 et 1934), aujourd’hui Musée et Médiathèque d’Arras.

Fondée en 667, détruite et endommagée à de multiples reprises tout au long de son existence (incendies, invasions des Normands, affrontements, etc.), trop vétuste, Vigor de Briois et le cardinal de Rohan ordonnèrent la reconstruction de la puissante et riche Abbaye Saint-Vaast. L’architecte du roi, Jean-François Labbé, proposa en 1746 un plan respectant les canons du classicisme : ordonnance, symétrie, sobriété et rappelant sans conteste la composition des hôtels particuliers parisiens. Des allures de palais royal pour ce monastère terminé en 1770, 220 mètres de long pour 80 mètres de large, 570 menuiseries. Il est composé d’un portail d’entrée monumental, richement sculpté, donnant sur une cour d’honneur encadrée sur trois niveaux, par deux ailes et un logis central, marqué par un avant-corps ternaire, des baies cintrées, balcons et un fronton triangulaire. Le jardin de « l’hôtel » est remplacé par deux cours : la cour du puits et la cour du cloître, toutes deux clôturées par d’autres bâtiments de même composition ainsi que l’église abbatiale, devenue Cathédrale sous l’Empire, terminée en 1835.

Malheureusement bombardée dès 1915, l’Abbaye fut reconstruite par Pierre Paquet jusqu’en 1934 et abrite aujourd’hui le Musée et la Médiathèque d’Arras. Elle demeure, avec la Cathédrale, le plus grand et bel ensemble monastique classique du XVIIIe siècle.

Empruntez maintenant la rue de la Gouvernance en direction de l’Hôtel du Second Président du Conseil d’Artois.

L’Hôtel du Second Président du Conseil provincial d’Artois (XVIIIe), aujourd’hui le Collège Saint-Joseph.

Construit au milieu du XVIIIe siècle, avant de devenir le Collège Saint-Joseph, cet édifice fut l’Hôtel du Second Président du Conseil provincial d’Artois. Depuis sa création par Charles-Quint en 1530 et jusqu’à sa suppression en 1790, ce Tribunal supérieur, qui rendait la justice pour toute la province, était composé d’un Président, de deux Chevaliers d’honneur, de six Conseillers, d’un Avocat fiscal, d’un Procureur-général et d’un Greffier. En 1687 puis 1693, ce Conseil s’agrandira pour accueillir une seconde chambre composée d’un second Président et d’autres conseillers. L’hôtel a donc vraisemblablement accueilli quelques-uns de ces Seconds Présidents tout comme l’Hôtel de Guînes avec un Premier Président. Il fut ensuite occupé par le baron Bon-Joseph Lallart de Gommecourt, premier maire d’Arras sous la Restauration (1816-1821), député du Pas-de-Calais et Chevalier de la Légion d’honneur.

Relativement discret et très peu connu, cet hôtel particulier est beaucoup plus lisible depuis les airs. Découvrez-le en vous envolant avec ©ArtoisDrones : vidéo.

Juste derrière vous se trouve la maison de notre Incorruptible Maximilien de Robespierre dans la rue qui porte aujourd’hui son nom. Rejoignez la Place du Théâtre et tournez à gauche vers la rue des Jongleurs pour contempler sans aucun doute l’hôtel particulier le plus célèbre de la ville, l’Hôtel de Guînes ou du Premier Président du Conseil provincial d’Artois (1740).

L’Hôtel de Guînes ou du Premier Président du Conseil d’Artois (1740), aujourd’hui un haut-lieu culturel.

Que dire de plus que vous ne savez déjà ?
Propriétaire de l’hôtel depuis les années 1580, la famille de Bonnières, dont les membres furent comtes de Guînes et de Souastre, seigneurs de la Thieuloye, gouverneurs d’Arras (aux XVe et XVIIIe siècles), chambellans du roi de France et du duc de Bourgogne, fit reconstruire cet hôtel particulier dans le style en vogue entre 1738 et 1740. L’Hôtel de Guînes fut vendu au roi en 1783 pour loger le Premier Président du Conseil provincial d’Artois, Bon-Albert Briois de Beaumetz, qui fut le dernier de ses pairs.

Caché derrière un portail monumental au fronton semi-circulaire, ce magnifique hôtel de couleur jaune se compose d’un corps de logis principal en forme de U à deux niveaux d’élévation, à l’avant-corps aux baies cintrées, orné de pilastres cannelés, chapiteaux dorique à oves et ionique, une frise historiée sculptée aux motifs de chasse, caissons et rosettes, surmonté d’un fronton Rocaille aligné sur la travée axiale. Auxquels s’ajoutent deux pavillons de services encadrant une jolie cour pavée. Il a la particularité de comporter, à chaque clef de linteau, un visage féminin, tantôt de face, tantôt de profil, dont deux sont casqués et pourraient représenter une déesse antique. 

Je vous incite vivement à entrer pour découvrir ses superbes pièces de réception aux thèmes et aux décors appareillés : salon de la musique, salon de la chasse et salon fleuri.

Dirigez-vous dans la rue Albert Ier de Belgique (ex. rue des Murs-Saint-Vaast) afin de longer l’Abbaye Saint-Vaast. Dès vos premiers pas, vous pouvez apercevoir sur votre gauche, un fronton triangulaire, de jolis balcons en fer forgé et de somptueux mascarons, il s’agit du Logis de l’Abbé, « un hôtel particulier dans un hôtel particulier ».

Logis de l'Abbé - Abbaye - 22 rue Paul Doumer - Arras (©MD - danslesruesdarras)
Le Logis de l’Abbé, dans l’Abbaye (1770), aujourd’hui la Médiathèque d’Arras.

Continuez dans la rue, à l’intersection avec la rue Ernest de Lannoy se trouve, l’Hôtel de Lannoy (XVIIIe).

Hôtel de Lannoy - 7 rue Ernest de Lannoy - Arras (©MD - danslesruesdarras)
L’Hôtel de Lannoy (XVIIIe), aujourd’hui une propriété privée.

Loin de m’avouer vaincu, mais cependant à court d’information le concernant, l’Hôtel de Lannoy que j’ai ainsi nommé du nom de la rue, reste pour moi un véritable mystère … Je sais seulement qu’il fut occupé il y a peu par la Délégation Militaire Départementale. Ses proportions, sa composition, ses jolies couleurs et sa superbe porte moulurée rue Albert Ier de Belgique font de cet hôtel une véritable surprise.

Avez-vous remarqué l’ange qui guette ?

Continuez dans la rue Albert Ier de Belgique, à l’intersection avec la rue des 3 Visages, prenez la direction de la Mairie en empruntant la rue du Marché-au-Filé, où se trouve le deuxième hôtel le plus célèbre, l’Hôtel Dubois de Fosseux (1749).

Si vous le souhaitez, vous pouvez aussi vous diriger vers la Place de l’Ancien Rivage, où se trouvent deux hôtels particuliers, l’Hôtel Laurent (Foyer Soleil, 1746) et l’Hôtel Noël (avec les atlantes, 1755).

Hôtel Dubois de Fosseux - 14 rue du Marché-au-Filé - Arras (©MD - danslesruesdarras)
L’Hôtel Dubois de Fosseux (1749), aujourd’hui la Cour des Comptes.

Sur l’emplacement d’une « maison à porte cochère, caves et héritages » achetée entre 1728 et 1741, Philippe-Ferdinand du Bois de Hoves, baron de Fosseux fit construire en 1749, l’Hôtel Dubois de Fosseux, luxueuse demeure d’hiver, qui sera complétée en 1789 de l’aile gauche, par son fils Ferdinand-Marie-Antoine. Installé dans son château de Fosseux l’été, l’homme de lettre qu’est Ferdinand, aime « faire salon » et recevoir ses pairs de l’Académie royale des Sciences, Lettres et Arts d’Arras et de la Société des Rosati, qu’ont fréquenté Enlart de Grandval, Robespierre, Carnot ou Fouché. Son hôtel deviendra ainsi rapidement un des hauts-lieux de la vie littéraire, artistique et mondaine à l’époque des Lumières. Echevin en 1786, il sera élu maire d’Arras à deux reprises en 1790 et 1794 pour quelques mois seulement.

Sur le modèle des hôtels parisiens, il se compose d’un grand portail avec porte cochère en bois richement moulurée et ornée d’un visage, permettant d’accéder à une vaste cour pavée encadrée par un corps de logis principal double à cinq travées sur deux niveaux ainsi que deux ailes de même hauteur. La travée axiale surmontée d’un fronton triangulaire au tympan sculpté d’angelots pratiquant le jeu de paume, se compose d’un emmarchement, mur à refends avec balcon en fer forgé, soutenu par deux atlantes, tel le géant Atlas supportant le poids de la voûte céleste sur ses épaules. De même qu’à l’Hôtel de Guînes, chaque clef de baie est ornée d’un visage tantôt féminin, tantôt masculin.

La cour est accessible presque tous les jours cependant les luxueux salons ne peuvent être visités que lors des Journées Européennes du Patrimoine, alors réservez d’ores-et-déjà votre troisième week-end de septembre !

Avez-vous aperçu les dauphins en fonte et le lutin aux grandes oreilles ? Longez maintenant la rue, vous êtes face à la Mairie, à gauche se trouve, l’Hôtel Blocquel de Croix de Wismes (XVIIIe) et à droite, l’Hôtel de Béthanie (1886).

Hôtel Blocquel de Croix de Wismes - 7 rue Saint-Jacques - Arras (©MD - danslesruesdarras)
L’Hôtel Blocquel de Croix de Wismes (XVIIIe), aujourd’hui une propriété privée.

L’Hôtel Blocquel de Croix de Wismes, construit vraisemblablement au début du XVIIIe siècle, est relativement discret derrière son portail de pierres blanches dans la rue Saint-Jacques. Originaire de Cambrai, il a appartenu à la vieille famille Blocquel de Croix, chevalier, seigneur de Cerisy, Liévin, Naves et Wismes élevé en baronnie en 1759. Adrien-Antoine fut admis aux Etats d’Artois en 1747, député ordinaire de la noblesse puis maire de la ville et cité d’Arras de 1771 à 1774.

Hôtel de Béthanie - 4 Place Guy Mollet - Arras (©MD - danslesruesdarras)
L’Hôtel de Béthanie (1886), aujourd’hui le Crédit Agricole.

L’Hôtel de Béthanie, reconstruit en partie en 1886 dans le style Eclectique, abrite aujourd’hui le siège du Crédit Agricole. Accessible lors des Journées Européennes du Patrimoine, vous aurez la chance de découvrir ses quatre beaux salons de réception. Vous rentrerez par la salle de la verrière, donnant sur une antichambre avec une cheminée gothique en pierre et culots figurés de troubadours, menant au salon Louis XVI doré, au décor chargé richement mouluré et au plafond peint d’un ciel d’azur. De retour à la verrière, vous apprécierez le petit salon de musique aux portes, murs et plafonds sculptés et peints d’angelots et instruments de musique avant d’accéder au salon des coqs, pièce-maîtresse du lieu, décoré de centaines de pièces de céramique bleutées ainsi qu’un plat représentant un combat de coqs avec anémones du Japon réalisé par Théodore Deck en 1886.

Dirigez-vous maintenant vers nos fameuses places flamandes pour rejoindre notre point de départ.


Le Ministère de la Culture, dans la fiche Mérimée de l’Hôtel de Guînes indique que ce dernier est « un des rares hôtels particuliers conservés dans la ville d’Arras ». Maintenant que vous avez lu ces lignes, que vous avez pu en apercevoir ou visiter quelques-uns, trouvez-vous qu’il soit « seul » ? Combien d’hôtels particuliers compte la ville d’Arras ? A vous de me le dire et de l’écrire en commentaire.

Sachez toutefois qu’il en existe encore beaucoup d’autres, alors pour ceux que cela intéresse, voici la carte de localisation (non exhaustive) des hôtels particuliers arrageois et le circuit : 


Maintenant que vous êtes sur les places, vous n’aurez pas de mal à trouver un lieu sympathique pour vous reposer et vous restaurer  ! (En attendant notre top 10 des bars et restaurants d’Arras (prochainement en ligne), voici quelques adresses :
Vous êtes plutôt …
=> Bière ? Chez Marcel ou La Capsule ou Le Baramousse …
=> Vin ? Le Before and After ou La Dame Jeanne …
=> Rhum ?  La P’tite Havane ou La Canne à sucre …
=> Jeux ? 20 000 jeux sous les bières …
Il y a beaucoup d’autres bars et restaurants à proximité, alors installez-vous à une table et commandez ! A la vôtre !


N’hésitez pas à me laisser un petit commentaire et partager cet article sur vos réseaux pour me dire que vous êtes passés par là ou apporter des précisions ou anecdotes. Lorsque vous partagerez votre visite de ces hôtels particuliers sur les réseaux sociaux, n’oubliez pas de mentionner @danslesruesdarras et #danslesruesdarras pour retrouver tout le patrimoine à un seul endroit 

Enfin, pour clôturer cet article, je tiens à vous informer que, depuis plusieurs mois, je rédige un ouvrage architectural, historique et photographique sur l’ensemble de ces hôtels particuliers afin de les mettre encore un peu plus en lumière. Cet article en est un avant-goût. Alors restez connectés 
Ne serait-ce que pour rédiger cet article, il m’a fallu beaucoup de temps, de recherches personnelles, de réflexion, de promenades, d’échanges et de lecture. Donc pour remercier ces auteurs et vous permettre d’en apprendre encore plus sur les hôtels particuliers et sur Arras en règle générale (avant de lire mon futur ouvrage), voici mes principales sources :

  • ASSEMCA, « Vivre noblement à Arras et en Artois au XVIIIe siècle », 2015.
  • ASSEMCA, « Architecture et Urbanisme à Arras au XIXe siècle« , 2014.
  • A. D’HERICOURT et A. GODIN, « Les rues d’Arras« , Tome 1 et 2, 1856.
  • A. GADY, « Les hôtels particuliers de Paris », 2011. Et conférences à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, disponibles sur YouTube : Partie 1 et Partie 2.
  • H. GRUY, « Regards sur Arras au cours des âges« , 1962.
  • C. LE GENTIL, « Le vieil Arras, ses faubourgs, sa banlieue (…)« , 1877.
  • E. THOMAS, « Vocabulaire illustré de l’ornement », 2016.

A bientôt dans les rues d’Arras.

Max. D. – @danslesruesdarras
Instagram – Facebook – Twitter – Etsy

10 réflexions sur « Les hôtels particuliers à Arras. »

  1. Merci pour cet article, je vais m’empresser de faire ce parcours!

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    1. Je suis ravi qu’il vous ait plu ! Partagez votre visite sur les réseaux avec le #danslesruesdarras et mentionnez moi 😉

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  2. Audrey SALINGUE 15 Mai 2020 — 16 h 01 min

    Voici un site à consulter sans modération : un travail remarquable et une belle contribution à la conservation de la mémoire de ces chefs-d’oeuvre architecturaux que compte notre belle ville d’Arras. Un grand merci à vous.

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    1. Merci beaucoup pour ces gentils mots ! J’ai déjà d’autres idées d’articles mettant en valeur la ville 😉

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  3. Merci pour ces commentaires très précis sur les hôtels particuliers dans cette magnifique ville d’Arras. Bravo Max pour ce travail.

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    1. Merci Yann !! Je remercie encore l’ouvrage de ton grand-père !

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  4. Vaig ser estudiant Erasmus a Arras i m’encanta poder veure’s un altre cop la que va ser la meva ciutat durant un temps. La veig preciosa. Bisous des de Barcelona!!

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    1. I am pleased you liked this historical and architectural article which helps you remind your Erasmus stay in Arras ! If you wanna see more, read the « Top10 des lieux incontournables à voir à Arras » : Best10 places in Arras or follow @danslesruesdarras on Instagram, Facebook or Twitter 😉
      Best wishes from Arras !

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